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NatureJL Jean-Louis Vallée. Photo Oiseaux animaux randonnée. Un "amoureux" de la nature !

A la recherche du renard polaire - arctique

Jean Louis Vallée

Qui ne rêve pas de croiser un jour la route d'un renard polaire ?

Adolescent, j'avais lu les livres d'un père et ses 2 fils qui avaient traversé la Norvège à skis de randonnée jusqu'en Laponie. Ils avaient construit une cabane pour y passer l'hiver, vivant de pêche et de piégeage. Au printemps, ils s'étaient mis à l'affût des animaux, avaient filmé la vie des renards, l'arrivée des oiseaux migrateurs et l'explosion de la vie dans la toundra. Le rêve pour l'ado que j'étais !

Où peut-on voir le renard polaire ?

Quelques décennies plus tard, mon envie de croiser la route de ce petit renard était toujours là... C'est d'abord en Scandinavie que j'aurais pu le voir. Avec des copains, on l'a raté de peu dans le Varanger. On n'avait pas d'information pour savoir où le trouver et on ne cherchait pas suffisamment à l'aube et le soir, quand il est le plus actif. Je l'ai quand même aperçu de loin dans le massif du Dovrefjell.

 

Cette année, je suis parti 7 semaines pour l'Islande. Un des "objectifs" était de voir le renard polaire, j'y ai passé beaucoup de temps. Le renard est présent partout, mais pas fréquent. Il est plus farouche et discret près des fermes car il est chassé. Il est moins rare dans les zones reculées le long des fjords, en montagne ou dans les réserves : dans l'est ou le nord (la péninsule de Melrakasletta veut dire la plaine du renard en islandais), fjords de l'ouest (Snaefjellsnes...) et fjords du nord-ouest (Isafjordur, Hornstrandir...). Mais je l'ai vu aussi par exemple au sud près de la ville de Vik, une zone touristique. En voiture le long des fjords, il faut toujours rester vigilant et scruter le rivage.

Le renard polaire (à l'extrême droite) dans son domaine.

Le renard polaire (à l'extrême droite) dans son domaine.

Des traces fraîches.

Des traces fraîches.

Des crottes caractéristiques.

Des crottes caractéristiques.

La couleur des renards polaires :

La couleur des renards varie beaucoup selon les individus. La plus connue est la forme blanche, le renard est tout blanc l'hiver et bicolore l'été avec le dos foncé et le ventre blanc. L'opposé est celui qu'on appelle le renard bleu, qui est en fait brun-gris très sombre l'été et un peu plus clair l'hiver.

En Islande, la forme sombre est la plus fréquente en bords de mer peu enneigés, car elle donne un meilleur camouflage.

Ailleurs, de la Scandinavie au nord de la Sibérie et du Canada, les hivers sont plus enneigés, c'est la forme blanche qui prédomine.

Un renard bien clair. Il va bientôt perdre son pelage d'hiver.

Un renard bien clair. Il va bientôt perdre son pelage d'hiver.

Un renard très sombre en pelage d'été. C'est ce qu'on appelle le "renard bleu".

Un renard très sombre en pelage d'été. C'est ce qu'on appelle le "renard bleu".

La mue en fin de printemps :

Fin mai et juin, c'est le moment où les renards perdent leur épaisse fourrure hivernale claire pour un pelage plus sombre et plus ras. Le pelage change d'abord sur la tête et les pattes tandis que la fourrure hivernale reste plus longtemps sur les flancs et la queue.

En fin de printemps, on peut voir des paquets de poils du pelage hivernal de renard.

En fin de printemps, on peut voir des paquets de poils du pelage hivernal de renard.

Son régime alimentaire :

Contrairement au renard polaire de Scandinavie ou du Canada, il ne peut pas compter sur les lemmings qui y sont abondants. Le renard est le seul mammifère terrestre venu naturellement en Islande, il est arrivé par la banquise à la fin de la dernière glaciation. Il n'a donc ni lemmings, ni campagnols à se mettre sous la dent. Des mulots sylvestres arrivés par bateau ont bien colonisé certaines prairies d'Islande, mais l'essentiel de sa nourriture est ailleurs.

 

 

Les renards qui vivent sur les rivages se nourrissent à marée basse de crabes, coquillages, restes de poisson, cadavres d'oiseaux... Certains s'installent près des nombreuses colonies d'oiseaux de mer et prennent des oeufs ou des jeunes, parfois des adultes. Dans les landes ou en montagne, ils capturent souvent des lagopèdes alpins. Quand ils cherchent de la nourriture, ils avancent rapidement la truffe au sol, l'odorat en éveil pour ne rater aucune occasion. Ils mangent aussi des baies en fin d'été.

J'ai vu des renards manger des têtes de loup de l'Atlantique. C'est un poisson à la mâchoire puissante avec de grosses dents. Les phoques gris en capturent, et laissent la tête qui s'échoue ensuite sur le rivage. Les renards mangent la chair qui reste, les cartilages et un peu les "os" très durs des mâchoires, voire les dents. Cela abime leurs propres dents et impacte leur durée de vie.

Mâchoire de loup de l'Atlantique laissée par un phoque gris.

Mâchoire de loup de l'Atlantique laissée par un phoque gris.

Le phoque gris peut atteindre 350 kg. Il capture des loups de l'Atlantique sur les fonds marins.

Le phoque gris peut atteindre 350 kg. Il capture des loups de l'Atlantique sur les fonds marins.

Ce renard mange ce qu'il peut sur une mâchoire de loup rejetée sur le rivage.

Ce renard mange ce qu'il peut sur une mâchoire de loup rejetée sur le rivage.

Un animal territorial

Les adultes sont territoriaux. Ils vivent par couple, fidèles toute la vie et fidèle aussi à leur territoire. Ils défendent leur territoire contre les autres renards, il leur fournit assez de nourriture pour eux et pour les renardeaux. Ils ont plusieurs tanières, la femelle met bas en mai, les jeunes sortent l'été et quittent le territoire des parents l'hiver. Ils devront eux aussi se trouver un territoire pour avoir une chance de subsister aux rudes conditions.

Ce renard mâle glapit pour interdire aux intrus de venir sur son territoire. C'est aussi un moyen de communication avec sa partenaire.

Ce renard mâle glapit pour interdire aux intrus de venir sur son territoire. C'est aussi un moyen de communication avec sa partenaire.

Comment le renard polaire résiste-t-il au froid de l'hiver ?

A l'entrée de l'hiver, il a une épaisse couche de graisse, bien isolante et son pelage devient très épais. C'est pour cette fourrure qu'il est encore chassé au Canada et en Russie-Sibérie. Pour perdre le moins de chaleur possible, son corps est ramassé, il a de petites oreilles et un museau moins pointu que le renard roux. Ses pattes profitent aussi d'une circulation sanguine à contre courant : les artères des pattes sont accolées aux veines pour réchauffer le sang qui remonte au coeur. Il a de la fourrure sous les pattes pour marcher sur la neige et la glace.

L'hiver, les renards de l'intérieur se rapprochent des côtes marines où il y a moins de neige et toujours de la nourriture. Ils mangent des oiseaux qu'ils ont enterrés l'été, par exemple près de colonies d'oiseaux de mer, comme le faisaient également les peuples autochtones du pourtour arctique (Inuits, Samis...). La mortalité hivernale est très importante, surtout chez les jeunes.

Sur l'arrière du corps, on voit la forte épaisseur du pelage hivernal.

Sur l'arrière du corps, on voit la forte épaisseur du pelage hivernal.

L'incroyable périple de 3500 km d'une renarde sur la banquise

En 1885, l'explorateur Fridtjof Nansen avait été étonné de trouver des traces de renard sur la banquise très loin des côtes et à seulement 550km du pôle nord. Avec le marquage de renards à l'oreille ou des colliers GPS, il est maintenant prouvé que des renards traversent de longues distances sur la banquise. On pense qu'ils peuvent y être poussés par la dispersion juvénile ou par le manque de nourriture, notamment quand les populations de lemmings s'effondrent.

 

En 2018, une jeune renarde à ainsi rejoint le Groenland à partir du Spitzberg, 1500km en 21 jours sur la banquise! Ensuite, elle a gagné le Canada : 2000 km de plus en 55 jours. C'est grâce à son collier GPS qu'on a pu suivre son périple : 46 km en moyenne par jour avec un record de 155 km en une journée sur la calotte glaciaire du Groenland ! Avec 10 jours à plus de 100 km/jour.

La renarde est partie du Spitzberg le 26 mars, elle a traversé la banquise jusqu'au Groenland le 16 avril. Ensuite elle a rejoint l'ile d'Ellesmere (Canada) le 10 juin. Norwegian polar institute

La renarde est partie du Spitzberg le 26 mars, elle a traversé la banquise jusqu'au Groenland le 16 avril. Ensuite elle a rejoint l'ile d'Ellesmere (Canada) le 10 juin. Norwegian polar institute

Ce voyage extraordinaire prouve une fois de plus l'incroyable résistance de ce petit renard en milieu polaire hostile. Et comment se nourrit-il sur la banquise? On pense qu'il peut repérer l'odeur d'animaux morts à 40km de distance. Il peut profiter des restes de repas des ours polaires. Il y a aussi de rares trouées dans la banquise qui attirent notamment des crustacés qu'il pourrait manger.

Le renard polaire est capable de marcher 150 km/jour sur la neige ou la glace. Et souvent avec le ventre vide !

Le renard polaire est capable de marcher 150 km/jour sur la neige ou la glace. Et souvent avec le ventre vide !

Le renard polaire a-t-il un avenir en Europe avec le réchauffement climatique ?

Le renard polaire fait partie des 10 espèces phare menacées par le changement climatique, la première étant l'ours polaire.

En Scandinavie, son avenir est incertain. Il a des prédateurs naturels, essentiellement l'aigle royal et le renard roux. Avec le réchauffement climatique, le renard roux le concurrence quasiment partout. Depuis 2003, un programme de renforcement de population a lieu dans le nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande, une zone où il était fréquent autrefois.  Il comporte plusieurs volets : apports d'individus issus d'élevage ou d'autres régions, des sites de nourrissage, ainsi que la chasse du renard roux. Le renard polaire était au bord de l'extinction. Grâce à ce programme, le nombre de renards polaires est passé d'environ 50 à 300. C'est encore trop peu, son statut est toujours menacé.

En Islande, sa chasse, financée par l'état, est lucrative : en 10 ans, 56000 renards ont été tués ou déterrés en 10 ans, pour une prime moyenne de 120 € par renard ! Chaque année, c'est plus d'un renard sur 2 qui est tué!

Par ailleurs, on lui reproche de s'attaquer aux eiders quand ils nichent. Et les eiders sont une institution en Islande! Ils donnent le meilleur duvet pour les couettes, 10 fois plus cher que le duvet de canard classique. 400 fermes vivent au moins partiellement de la récolte de duvet dans les nids d'eiders sauvages.

Auparavant, les renards pouvaient aussi s'attaquer aux agneaux tout juste nés dans les estives, mais maintenant les brebis mettent bas dans les bergeries.

Malgré cette chasse intensive, il est considéré comme peu menacé par le WWF. Ses populations se maintiennent bien grâce à une bonne reproduction. Aucune autre espèce ne lui fait de concurrence pour la nourriture et il n'a pas de prédateur important.

Au Spitzberg, c'est le même constat qu'en Islande. Sa population semble se tenir malgré le piégeage et la chasse.

Une des 400 fermes à eider d'Islande. Dans les nids, on récupère le meilleur duvet du monde et ... le plus cher, 3000 à 15000€/kg.

Une des 400 fermes à eider d'Islande. Dans les nids, on récupère le meilleur duvet du monde et ... le plus cher, 3000 à 15000€/kg.

Les agneaux ne craignent plus rien des renards. Ils restent en bergerie dans leur prime enfance.

Les agneaux ne craignent plus rien des renards. Ils restent en bergerie dans leur prime enfance.

Je me suis régalé à rechercher ces renards, même si ça n'a pas toujours été de tout repos, avec parfois 20 kg sur le dos (tente, nourriture, matériel photo), un temps pluvieux et des rivières glacées à traverser. Au final, j'ai vu 11 renards différents. En ayant eu le plaisir de les rechercher moi-même sans l'aide d'un guide. Des renards farouches, des moins farouches, des blancs, des noirs charbon, des gris, des bariolés... En revanche, j'y étais trop tôt en saison pour voir des renardeaux.

Un renard étonné par ma présence. J'étais à l'affût de grands corbeaux.

Un renard étonné par ma présence. J'étais à l'affût de grands corbeaux.

Un autre renard intrigué. J'étais caché derrière un rocher.

Un autre renard intrigué. J'étais caché derrière un rocher.

Cette belle renarde observait un mâle à 300 m en bas du versant.

Cette belle renarde observait un mâle à 300 m en bas du versant.

Je mettrai quelques autres photos quand j'aurai fini de les trier.

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Commentaires
J
Magnifiques photos et les informations fournies sont très intéressantes
Répondre
J
Merci Jean-Marie,<br /> Tu te débrouilles bien aussi en photo de nature, même si ce n'est pas en animalier)...